Lettre à M Boyer
Lettre ouverte d’un mutant à Monsieur Boyer
Monsieur le maire,
Lors de deux entretiens que nous avons eus en décembre et janvier, vous nous avez expliqué les grandes lignes du PLU. Lorsque, en retour, nous avons exposé nos arguments à l’encontre de ce projet, votre réponse a consisté à nous dire que « bien sûr les propriétaires concernés par les zones de densification pourront ne rien faire, soit renoncer à construire quoi que ce soit sur leur terrain ! ». Et si ces mêmes propriétaires voulaient construire ? Ils devront le faire selon les règles éditées par le futur PLU, soit des logements d’habitations collectives jusqu’à R+2, selon un COS minimum de 0,5 et 0,6 maximum.
Mon épouse et moi-même sommes propriétaires d’un terrain de 2000 m2 environ.
Cela signifie que nous pouvons soit ne rien faire, soit construire entre 1000m2 et 1200 m2 de logements dont la moitié de logements sociaux. Je ne dispose pas des moyens de construire moi-même des immeubles aussi grands. Si je voulais lotir sur ma propriété, je serais donc contraint de vendre tout ou partie de mon terrain afin qu’un promoteur construise à ma place. J’y gagnerais quelque argent, c’est certain, mais il est évident que je serai alors contraint de quitter ma demeure. En effet, qui voudrait vivre dans ma maison actuelle alors qu’à quelques mètres à peine de notre terrasse, seraient bâties des unités de 400 m2 ou 600 m2 au sol (selon qu’il s’agira d’immeubles en R+2 ou en R+1) ? Ni ma femme, ni moi-même ne pourrons y résister et nous serons alors très certainement amenés à quitter la commune.
Lorsque j’ai posé la question à l’architecte-conseil de la commune quant à savoir ce que je pourrai faire lorsque des immeubles auront poussé tout autour de ma propriété, elle m’a répondu « …eh bien vous pourrez construire vous-même ! ».
Sauf que, comme je l’ai expliqué plus haut, je n’ai pas l’argent disponible pour faire moi-même ces « opérations immobilières » et que, deuxièmement, je n’en ai aucune envie !!! Mais, en effet, quel choix aurai-je lorsque de nombreux immeubles auront été bâtis chez mes voisins ? Oui, je serai moi-même tenté de permettre de nouvelles constructions sur ma propriété, condamné à la vendre au plus offrant et à quitter la commune.
C’est ce que l’on appelle la « pression foncière » ! Oui, il s’agit bien de ce mécanisme entrainant les propriétaires d’une zone à construire de manière…« frénétique », soit parce qu’ils veulent réaliser une « opération immobilière », soit parce que leur environnement se dégrade et qu’ils en viennent à construire eux mêmes alors que ce n’était peut-être pas leur intention première.
Et cela se passera ainsi tout autour de chez moi, dans et aux abords de ce que vous avez appelé, « les zones de densification préférentielle ». Quand trop d’immeubles auront été construits près de chez eux, nul doute que de nombreux propriétaires en construiront eux-mêmes. Ne supportant pas cet environnement urbain, eux-mêmes et leurs voisins quitteront la commune s’ils en ont les moyens.
Je délire ? Non, c’est bien cette « pression foncière » qui défigure les abords de nos villes, de nos campagnes, de nos côtes. Toutes les communes de France ont à se battre contre elle. Pourquoi Simiane ferait exception à la règle ? C’est bien pour cela que nous contestons les règles du futur PLU. Elles sont bien trop lâches pour garantir à nos concitoyens que la commune ne progressera que de 1500 habitants d’ici 20 ans.
Non, décidément, je ne délire pas car l’offensive des promoteurs a déjà commencé ! Voyez donc, ci-dessous, le courrier que nous avons reçu, ma femme et moi. Daté du 19 février, il a été rédigé au lendemain de la mise en ligne du projet de PLU sur le site de la commune. Il est signé d’un inquiétant « Responsable d’opérations ».
Le PLU n’est pas adopté et on nous propose déjà d’acheter notre terrain ! Et vous savez quoi ? Nos voisins ont reçu la même missive ! Nous avons également eu un coup de fil d’une des plus grandes sociétés immobilières françaises. Et ça ne fait que commencer… c’est à celui qui décrochera les meilleurs terrains et les « droits à construire » qui y sont attachés. Il y a urgence, au paradis des promoteurs, les premiers arrivés sont les premiers servis ! Et le futur PLU de Simiane est certainement une affaire juteuse dont on parle à la machine à café depuis quelques
semaines…
Ne soyons pas naïfs, c’est comme si c’était fait ! Selon cette personne, en effet, la future « enquête publique » ne changera rien à l’affaire. Voici la retranscription de l’entretien téléphonique que j’ai eu avec elle ce matin :
« Je vous ai envoyé ce courrier parce que le droit à constructibilité sera plus important sur vos parcelles, donc c’était pour voir si pouviez être intéressé pour vendre votre parcelle et si on pourrait monter un programme de logements sur cette zone… (en attendant que le PLU soit adopté), on peut se mettre d’accord… signer une promesse de vente et après on met au point les délais en disant « sous réserve de l’adoption du PLU… ». Vu que l’on sait que ça va évoluer dans ce sens, ça nous permet nous déjà de monter le projet, de voir ce que l’on peut sortir et de voir ce que l’on peut vous faire comme proposition… Même si ce n’est pas acté tout de suite, nous avons des délais d’études du projet et de choses comme ça, donc ça ne nous empêche pas de signer une promesse de vente.
Sur Simiane, le PLU déjà bien engagé, nous avons rencontré le responsable de l’urbanisme le mois dernier, on en est au niveau de l’enquête publique donc il reste quelques mois et au printemps, ça devrait sortir !... »
Eh oui, « ça devrait sortir » ! Comme les hirondelles ou les narcisses, les PLU sortent au printemps. C’est du moins la conviction de cette dame après qu’elle a « rencontré le responsable de l’urbanisme de la mairie de Simiane... ». La fameuse (et fumeuse ?) « enquête publique » n’y pourra rien changer ! C’est d’ailleurs ce que m’avait écrit en substance l’un de vos adjoints, il y a déjà quelques semaines.
Tout autour de chez nous, dans les lotissements des Frênes, des Ormeaux, du Pré de la Marquise, du Petit bosquet, les propriétaires que nous avons rencontrés nous ont tous dit qu’ils étaient venus s’installer à Simiane pour échapper à la ville. Certains nous ont dit aussi avoir fait des emprunts importants pour s’installer à grand frais sur la commune. Au vu du futur PLU, tous redoutent que leur environnement ne se dégrade et que leur propriété ne se déprécie. Est-ce un paramètre dont vous avez tenu compte en rédigeant ce projet ? Pendant 25 ans, la politique de la commune en matière d’urbanisme a consisté à permettre la construction de ces lotissements, plus ou moins denses, plus ou moins chers. N’est ce pas injuste d’imposer aujourd’hui une telle densification à des familles qui étaient venues s’installer à Simiane pour avoir un peu d’espace ?
Vous avez adopté ce projet sans prévenir les quelques propriétaires directement concernés par son application et dont les terrains sont situés entre la gare et le village. J’en fais partie. J’ai donc demandé à vous rencontrer en novembre dernier.
Vous avez alors tenté de nous rassurer en répétant l’argument cité plus haut : « Les propriétaires pourront ne rien faire… ». Tel serait donc notre choix aujourd’hui : ne rien faire, renoncer à construire une villa pour nos enfants ou bien construire les unités collectives dont vous voulez doter la commune. Et c’est bien une ville que vous projetez de construire en lieu et place de notre village. C’est écrit noir sur blanc, en page 18 de votre « Projet d’aménagement et de développement durable » :
L’objectif est le développement d’un véritable pôle urbain autour de la gare, dans la logique poursuivie par le PADD d’une densification sur l’axe centre-village / gare.
Le quartier dispose déjà d’un petit centre commercial (Le Moulin), et une première opération est en cours autour d’un centre médical.
Le principe retenu est une densification préférentielle au sud de la route de la gare autour d’un réseau routier complémentaire qui permettra un maillage des rues.
Il s’agit d’amorcer une transition progressive d’un paysage urbain de lotissement à un paysage urbain de centre-ville, avec alignement des bâtiments sur la voirie et accroissement de la hauteur et de la densité. L’urbanisation des dents creuses existantes sera fera de manière privilégiée en petits collectifs favorisant la mixité sociale ».
Alors, les propriétaires seront-ils bien les maîtres du jeu comme vous vous plaisez à le dire aujourd’hui ? Certainement pas et c’est bien l’espoir que vous fondez en édictant ce projet de PLU. Oui, Monsieur Boyer, vous savez bien que les choses se passeront ainsi, que la « pression foncière » orchestrée par les promoteurs aura vite fait de convaincre les plus récalcitrants d’entre nous. Une phrase sibylline, toujours en page 18, nous apprend d’ailleurs que :
« L’habitat existant mutera progressivement selon le même modèle, au gré du renouvellement urbain ».
Nous serions donc les futurs mutants du quartier de la gare ? Pourrons nous échapper à cette prédiction ? Nous faudra-t-il plier face aux injonctions de la commune ?
M. le maire, je vous écris cette lettre ouverte pour vous interpeller au nom des nombreux habitants que nous avons rencontrés lors des dernières semaines mais je viens donc aussi apporter mon propre témoignage à ce concert de mécontentements. En lisant mieux le projet de PLU, je me suis aperçu qu’à terme, ma propriété était en fait doublement condamnée. Toujours en page 18 de ce PADD, dans le cadre du projet d’aménagement du quartier de la gare, il est en effet expliqué que des routes traverseront mon terrain au titre d’un savant « maillage de voiries ». Il sera amputé de la moitié de sa surface, à peu de choses près. Ma propriété commencera donc par muter en se réduisant ! Quelles sont vos intentions à notre égard ? Comptez-vous préempter notre moitié de terrain ? Quand le ferez-vous ? A quel prix ? Quand la zone relèvera d’un « paysage urbain » ? Quand elle vaudra moins cher ? Aurai-je donc le droit de construire lorsque le PLU sera adopté ? Oui ?
Bien sûr ! Mais… non puisque vous comptez faire des routes sur ce terrain ! Qu’en est-il ?
M. le maire, je vous ai rencontré à deux reprises depuis l’adoption du projet par le conseil municipal de Simiane. J’ai passé plus de deux heures dans votre bureau à vous écouter m’exposer les grandes lignes de ce projet, à vous embêter avec mes questions. Jamais, lors de ces deux entretiens, vous n’avez pris la peine de me dire une chose qui, me concernant, est capitale ! Quelle franchise !
Vous comprendrez certainement que cette situation nous préoccupe, ma femme et moi, que mes filles regardent déjà avec une certaine tristesse le terrain sur lequel elles ont grandi et joué. Alors, puissiez-vous, en retour de cette lettre ouverte répondre aux nombreuses questions que je me pose et que vous adressent aussi de nombreux habitants du village !!! Puissiez-vous, cette fois, faire preuve d’un peu de sincérité et d’un certain courage pour nous dire la vérité !!!
Sincères salutations
Régis MICHEL, dit « le mutant de la gare ».
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